Un comédien en coulisse
Emile Salvador a
réalisé cette
année une véritable performance d'acteur à l'occasion des «Théâtrales du
Velay». Interprète du rôle-titre dans L'Héritier ridicule mais également
présent dans la distribution de tous les autres
spectacles du festival, il était aussi responsable du
stage d'art dramatique. Portrait d'un comédien hors du commun
L
|
es Théâtrales du Velay ont fermé
leurs portes lundi soir, les échos des dernières répliques échan-gées tout au long le ces dix jours de spectacle flottent, pour
un moment encore, entre les tours et les cré-neaux édentés du château d'Ar-lempdes.
Déjà, on se surprend à imaginer pour l'année prochaine un festival devenu encore plus important, une programmation toujours placée sous le signe de la
qualité et des artistes aussi talentueux que ceux que le public, toujours
plus nombreux, a eu la chance de découvrir lors de cet-e 3e édition. Il en est un, en
particulier, qui méritait bien un portait, non seulement pour rendre hommage à son grand talent de comédien
mais également parce qu'il a été le
lien, l'âme artistique de ces Théâtrales, cuvée 97 : Émile Salvador.
Un acteur dans l'âme
Emile Salvador est né
au Maroc en 1942 et y a passé ses quinze pre-mières années. Il ne connaît pas encore le théâtre nais découvre sa vocation de comédien en dévorant tous les films américains qui sont à l'affiche des cinémas de son quartier. James Dean, Marlon Brando, Paul Newman, Burt Lancaster, Kirk
Douglas, autant de grands acteurs qui le font rêver et à qui il s'identifie : «comme certains mômes ont envie de devenir pilote d'avion ou footballeur professionnel
moi j’avais envie de
devenir acteur de cinéma !» explique-t-il.
Un de ses amis d'enfance
voulant devenir réalisateur, c'est
ensemble qu'ils partiront à Paris tenter leur chance. Là, Emile va choisir sans
hésitation de suivre des cours d'art
dramatique inspirés de l'Actor Studio
américain d'où sont issus tous les grands acteurs qu'il admire et, plus récemment Al Pacino, Dustin Hoff-man, Robert De Niro. On y pratique la méthode «Stanislavski» qui consiste à travailler sur la véracité, la crédibilité des personnages, sur la recherche de l'authenticité.
Pour lui, l'intérêt de cette méthode réside dans le fait qu'elle permet de s'investir d'une façon très grande dans un rôle, tout en conservant
toujours le contrôle de soi-même: «c'est un peu le paradoxe du comédien de Diderot! Il faut toujours tout contrôler
même si on se met dans un état de disponibilité qui fait que l'on peut
improviser et que tous nos sens, notre
émotivité, notre réceptivité sont exacerbés. Il n'est pas question
d'aborder un rôle de manière extérieure et
de faire de la caricature. Mais si je joue un fou, Othello qui étrangle
Desdémone, il est bien évident qu'il faut toujours contrôler ce que l'on fait,
sinon il faudrait changer de Desdémone tous
les soirs!».
Il
a travaillé avec les plus grands
Très vite, les contrats vont s'enchaî-ner et Emile va alors arrêter définiti-vement les boulots
«alimentaires» pour se lancer corps et âme dans l'aventure théâtrale. Il
reconnaît d'ailleurs que c'était
certainement plus facile il y a trente ans qu'aujourd'hui, de laisser tomber ainsi une certaine sécurité matérielle, pour se
consacrer au monde du théâtre, bien aléatoire par les temps qui courent.
Pour
lui, si les menaces qui pèsent
actuellement sur le statut des intermittents du spectacle venaient à se concrétiser, cela signifierait
la mort de la profession et ne ferait que
renflouer la masse des chômeurs du
régime général: «on a déjà
beaucoup de mal en tant
qu'intermittent a travailler les fameuses 507 heures qui nous
permettent de toucher une indemnité Assedic et donc de vivre de ce métier, alors si ces conditions sont supprimées,
il y aura une bonne partie de la profession qui ne pourra plus exercer ce
métier».
En attendant, la carrière d'Émile Salvador se
porte bien, il a travaillé avec de grands metteur en scène, tels que Catherine Dasté ou Jean-Pierre
Vincent (directeur de la maison de la culture de Nanterre) avec qui d'ailleurs il a collabore pendant trois ans. Il avoue avoir énormément appris grâce à lui: «c'esf un homme de théâtre important, il a cette grande
humilité qui consiste à aborder chaque
nouvelle pièce comme si on partait de rien, que l'on n'avait pas d'expérience. Et c'est ça qui
est formidable et qui fait la beauté de ce métier, c'est
d'avoir encore la
possibilité d'être naïf,
de s'enthousiasmer pour un rôle ou une pièce, de garder cette part de rêve,
d'enfance... on dit toujours que les comédiens sont de grands enfants, je crois que ce n'est pas une légende!».
Les rôles les plus prestigieux
Également professeur au conservatoire du
^"arrondissement de Paris, Emile a,
vis à vis de son propre jeu, la même exigence que celle qu'il dispense à ses élèves. Il refuse d'appréhender un
nouveau rôle avec des idées préconçues et
cherche à être le plus «vierge» possible pour construire son personnage en collaboration avec le metteur en scène: «il n'est pas question de
se reposer sur ses acquis, comme c'est malheureusement le cas dans certains théâtres. Je ne parle même pas du théâtre de boulevard où le jeu est complètement
basé sur des effets, sur une mécanique, l'esbrouffe quoi!».Quand on aborde le sujet du répertoire et des rôles qu'il rêverait
d'interpréter un jour, c'est avec une grande humilité cfu'il avoue préférer attendre encore quelques années pour s'attaquer à un rôle tel que celui du roi Lear. Pour l'instant, le personnage de Philippin,
qu'il interprétait avec brio dans L'héritier ridicule de Scarron, lui a
donné l'envie de jouer d'autres rôles aussi haut en couleur/tels que le Bourgeois Gentilhomme ou le Malade ima-
ginaire. Il reconnaît avoir également
une tendresse particulière pour Sganarelle dans Dom Juan ou pour Figarqde
Beaumarchais: «j'ai la chance depuis que j'ai dépassé l'âge de jouer les jeunes premiers de me voir offrir de beaux
rôles, riches et intéressant, qui me permettent de m'épanouir et de peaufiner mon métier. C'est un boulot qui est
perfectible à longueur de vie!
Mon plus grand
souhait sera que dans 10,15 ou 20 ans, je éo toujours en train
de perfection ner mon métier
d'acteur».
Alors
souhaitons pour hoti plus, grand plaisir de spectatei qu'Emile Salvador réalise se voeux et continue
encore Ion; temps à exercer son art avec ii tant de passion et dé-sincérité
Véronique DUMOULII
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